Les pharmaciens et les labos creusent le trou de la sécu avec les génériques
"vous n'avez rien contre les génériques ?" a demandé tout sourire le pharmacien. "au contraire" s'est empressé de répondre la petite dame, De toute façon, grace à la carte vitale, elle n'a même pas à débourser les 49 euros de médicaments que la sécu se chargera de payer.
Ce que la cliente de l'officine ignore, c'est l'envers du décor. La blouse blanche a d'excellentes et inavouables raisons d'afficher un sourire radieux car elle vient sans vergogne, de se goinfrer et de gruger le fisc avec la complicité d'un fabricant de médicament américain Arrow. Vu le nombre d'officines pratiquant ce sport, les sommes en jeu sont considérables.
L'entourloupe est la suivante : la cliente est arrivée avec son ordonnance. Le toubib lui a prescrit 3 médicaments qui ont en commun de ne plus être protégés par un brevet. Tout le monde peut en fabriquer, et ils sont désignés par le nom savant de leur molécule. C'est le principe des génériques. Ils coûtent en moyenne 30 % moins cher qu'une marque. Tout le monde y gagne, y compris la sécu, qui, dans un délais d'environ 2 semaines, remboursera le pharmacien bien aimable.
Sauf que ce jour là, le potard a fourgué à la patiente 3 des nombreuses boîtes que lui offre gratuitement le laboratoire en échange de sa fidélité et , surtout de ses louables efforts pour aiguiller le patient vers ses propres génériques.
Les 49 euros qu'il vient d'empocher, c'est du net, du 100 % de benef.
En prinicipe, les patrons d'officine achètent les boîtes à leur fournisseur. Puis avant de les revendre, comme tout bon commercant, ils prennent une marge. Or, pour les produits pharmaceutiques remboursés par la sécu, la-dite marge est strictement encadrée.
Dans la lutte sans merci que se livre les "génériqueurs" pour arracher des parts de marché, tout les coups ne sont donc pas permis. Les entreprises du médicaments ont le droit de pratiquer une remise sur facture de 17 % au maximum.
Mais elles ne s'en tiennent pas là... "la concurrence entre nous est féroce. On est tous limite" reconnaît un directeur commercial. Et il arrive que la ligne jaune soit dépassé : avec la combine des "unités gratuites" par exemple, tout bonnement interdite. Ce qui n'empêche pas le laboratoire Arrow d'en innonder le marché. Parfois jusqu'à une boîte sur deux, soit 50% de remise...
"je ne suis pas sur que ce soit légale" concède d'ailleurs au "Canard enchainé" Anne Baille, la directrice du labo. Parole d'expert, elle est membre du conseil d'administration du Leem, le syndicat de l'industrie pharmaceutique, et vice-présidente du Gemme, son correspondant pour les génériques.
Après 3 jours d'intenses reflexions, elle a fait savoir au "canard" que tout cela lui semble "légal dans le cadre de la législation européenne" mais cette manip ne revient-elle pas à escroquer l'état ? Sur toutes ces boîtes fantômes, le labo ne déclare pas la TVA à 2.1 %. Mais parlez de fraude fiscale et Anne Baille s'étrangle : "je veux bien admettre qu'il s'agit d'une sur-remise, mais je n'irais pas au-delà"
C'est pourtant précisé en toutes lettres dans les documents internes du labo: pour une commande de 30 000 euros, l'officine peut obtenir 1200 boîtes gratuites, choisies dans une liste de plus de 200 spécialités. Un marché gratuit avec une seule restriction : ne pas dépasser 600 boîtes s'il s'agit du clopidogrel, générique du Plavix, un peu trop cher. cette petite merveille a les mêmes vertus que l'aspirine mais coûte ...22 fois plus cher. à 30,80 euros la boîte, prix public, le pharmacien peut tout de même empocher, au noir, 18 480 euros à chaque nouvelle commande de 30 000 euros.
Et ce n'est pas tout. Arrow commerce avec quelques groupements d'achat en gros dont certains sont même des faux nez du labo. Pour le pharmacien, c'est tout les jours Noël : en plus de sa remise légale de 17%, et en plus de ses boîtes gratuites, il a droit à 10,20 voir 40 % de remise supplémentaire, dès l'achat de la première boîte. Il faut à tout prix fidéliser le pharmacien.
Question : comment avec un tel dumping, Arrow n'a t-il déjà mis la clé sous la porte ? d'où cet affreux soupçon. Le comité économique des produits de santé, un appendice interministériel chargé de fixer les prix de chaque spécialité en fonction du coût de production, se laisserait-il rouler dans la farine ?
Si Arrow peut gagner sa vie en accordant, tout bien pesé, jusqu'à 70% de remise, c'est à l'évidence que les prix sont fortement surévalués.
Merci qui ? Merci la sécu qui paie gentiment, et creuse son trou !